This distance between us {Stella

Nathan déposa délicatement une lingette désinfectante sur sa plaie au niveau de l’arcade. Il grimaça légèrement sous le coup de la douleur, tout en serrant les dents. Quelques filets de sang coulaient le long de sa joue. De sa main libre, il les essuya d’un revers. Comment tout ça est arrivé ? C’est simple, énième bagarre avec un White Wolf. Il sortait du commissariat après un interrogatoire et une autre tentative d’intimidation, quand une bande de petits bourgeois bien fringués se sont pointés devant lui. Malgré leur nombre, il n’a pas été apeuré du tout. Ca leur aurait fait trop plaisir de le voir flipper et se casser en courant. Nathan a vécu dans la rue toute sa vie, c’est pas trois ou quatre friqués qui vont lui faire peur. Il en a vu des beaucoup plus balaise et menaçant. L’un d’entre eux s’est alors rapproché de lui avec un poing américain. Nathan n’a pas bougé d’un poil, fixant le regard de son adversaire. Son arrogance n’a pas du lui plaire, puisqu’une fraction de seconde plus tard, il sentit une douleur violente au niveau de son arcade. Ce petit con venait de le frapper avec son foutu poing. Ils se sont ensuite barrés en courant, n’attendant pas la réplique de Nathan. Valait mieux pour eux, ils se trouvaient quand même juste devant un commissariat. Mais bref. Ce genre d’événements est devenu une routine pour Nathan, ainsi que pour tous les autres. Dès que deux personnes d’un clan ennemi se croisent, ça finit souvent en bagarre. Et c’est de la faute de Nathan. Si il n’avait pas joué avec les sentiments des deux sœurs Wellinghton, tout ça ne serait pas arrivé. M’enfin, c’est un peu trop tard pour avoir des regrets désormais. Il ne lui reste plus qu’à assumer les conséquences de ses actes. Le jeune homme se regarda alors dans la glace, constatant que sa blessure n’étais pas très jolie à voir. Il essuya le sang qui coulait de plus bel, et se mit un pansement sur l’arcade. Pas forcément super efficace pour stopper l’écoulement, mais c’est tout ce qu’il a. Et hors de question d’allé à l’hôpital, les flics lui tomberaient encore dessus. En ce moment ils sont à l’affut du moindre de ses faux pas, pour qu’à la première occasion ils puissent le mettre au fond du trou. Nathan est devenu en quelque sorte l’homme à abattre de cette ville.

Alors qu’il enfilait sa veste pour se rendre au Blueberry, Nathan sentit son portable vibrait dans le fond de sa poche. S’appuyant contre la porte d’entrée, il lit le sms qui lui était destinait. Et sa réaction ne se fit pas attendre : il poussa un long soupire en fermant ses yeux l’instant de quelques secondes. Wade est coincé, les flics ne veulent pas le lâcher tant qu’ils n’ont pas posé toutes leurs questions à la con. C’est déjà une bonne raison pour être sur les nerfs. Mais il y a autre chose qui le tracasse. Si Wade n’est pas là, ça veut dire qu’il va se retrouver seul avec Stella ce soir. Il y a quelques jours à peine ça ne l’aurait pas dérangé le moins du monde, au contraire. Mais depuis que la jeune femme s’est faite agressée, les choses ont complètement changé. Leur relation s’est détériorée considérablement, à cause d’un choix maladroit de Nathan. Il ne prit pas la peine de répondre, puis sortit de l’appartement en claquant la porte. La soirée s’annonce pénible.

20 heures, heure à laquelle Nathan commence son boulot. Quand il rentra à l’intérieur du Blueberry, il prit soin de ne pas regarder autour de lui. La chercher du regard aurait été une première grossière erreur. A chaque fois que ça se produit, il ressent comme un pincement au cœur. Il doit subir cette continuelle opposition entre sa pensée et ses mots. Nathan a suivit beaucoup trop souvent son cœur, aujourd’hui il fait ce que la raison lui conseille, même si ça fait parfois mal. Quand les premiers clients firent leur apparition, l’inévitable se produisit : il se retrouva face à face avec Stella. Plongeant son regard froid dans celui de la jeune femme, il mit un moment avant de pouvoir sortir le moindre mot. Il ne peut pas s’empêcher de penser au jour où on lui a apprit qu’elle s’était faite agressée par des White Wolves. Ce qu’il a ressentit à cet instant il le ressent encore aujourd’hui, un mélange de peine et de haine contre lui-même. Stella fait partit des gens qui ne souhaitent pas prendre partit dans cette guerre des gangs, et par sa faute, elle s’y est retrouvé en plein cœur, de la manière la plus brutale possible. Qui ne s’en voudrait pas après ça ? D’un léger hochement de tête, Nathan reprit ses esprits. Se concentrant faussement sur ses bouteilles d’alcool, il prit tout de même la peine de prévenir la jeune fille sur l’absence de leur collègue.

« Wade ne viendra pas ce soir. Tu vas devoir me donner toutes les commandes personnellement. T’inquiètes pas, ça m’embête tout autant que toi. »

Sa voix était neutre, indifférente, avec une légère froideur cependant, comme à son habitude. Ca ne lui faisait pas du bien de tenir de tel propos envers elle, mais il faisait tout son possible pour qu’elle ne s’en aperçoive pas. Il était tellement nerveux face à la perspective de cette soirée ensemble, qu’il fit tomber un verre qui éclata au contact du sol. Passant une main sur son visage, comme si son geste allait effacer toutes les émotions qui risquaient de le trahir, Nathan se baissa pour ramasser les dégâts. C’est pas dans ses habitudes de perdre le contrôle des événements, va falloir qu’il se reprenne très vite, sinon ça va devenir un véritable enfer pour lui. Quand il se redressa et qu’il vit que Stella était toujours près de lui au bar, il lui adressa un sourire des plus ironique et forcé.

« Qu’est-ce que t’attends ? Que jte montre comment on prend des commandes ? »

Faut pas croire que toutes ces remarques sortent toutes seules, c’est loin d’être le cas. Stella ne mérite nullement qu’il se comporte ainsi, et il se doute qu’elle ne comprend pas ses réactions. Mais lui dire reviendrait à éclater la distance qu’il cherche à instaurer entre eux.

En bons amis qu’ils étaient, Stella a bien du se rendre compte que Nathan est du genre à ne dévoiler quoi que ce soit sur ses sentiments ou ses émotions. Il a une faculté à rester de marbre dans la plupart des situations auxquelles il fait face, c’est sa carapace, son moyen de se protéger des agressions extérieurs. Cependant, il ne s’est jamais comporté de façon aussi agressive envers elle, ou envers quelqu’un qu’il aime. C’est donc totalement logique qu’elle se pose des questions. Mais ce qui est bien avec Stella, c’est qu’elle n’est pas du genre à courir après les gens, elle les laisse faire. Et faut avouer qu’un tel trait de caractère ne peut que lui faciliter la tâche. Il n’a pas besoin de se justifier puisqu’elle ne lui demande pas de le faire. Elle accuse les coups sans broncher. Ca tombe bien, parce qu’aujourd’hui c’est pas du tout le soir à venir lui prendre la tête. Il a passé une journée assez pitoyable, entre son interrogatoire au commissariat, la bande de White Wolves, et sa blessure qui lui fait toujours un mal de chien. Il est de mauvaise humeur, plus que d’habitude, alors Stella a bien raison de se tenir à carreaux. Même si faut l’avouer, leurs conversations et leurs sourires complices quand un client un peu trop pénible fait son apparition lui manque. Il est en train de détruire chaque parcelle de leur amitié, et à chaque coup qu’il assène, il le regrette instantanément. Mais c’est son choix, et on ne pourra pas le faire changer d’avis facilement. Quand il a une idée dans la tête, faut du courage pour la lui enlever.

Après ces quelques remarques des plus froides, Stella ne sortit pas un seul mot. Elle se contenta de le fixer sans rien dire. Ce qui faut avouer, le déstabilisa encore plus. Il aurait largement préféré qu’elle se mette à l’insulter de tous les noms, plutôt qu’elle ne dise rien, en ne le quittant pas du regard. Les silences ont beaucoup plus d’effet que les mots parfois, et elle semble bien l’avoir compris. Deux margaritas, un martini et une bière, super. Voilà qui allait enfin pouvoir l’occuper. Après tout, si elle se contente de venir lui apporter les commandes sans broncher, la soirée devrait mieux se passer qu’il le pensait. Ils seraient simplement deux collègues qui ne s’apprécient pas plus que ça mais qui sont obligés de travailler ensemble. Nathan regarda la jeune femme s’éloigner, et s’empara de quatre verres posé sur les étagères derrière lui. Il s’occupa des boissons, puis déposa la commande sur un plateau, accompagné d’un petit bol de cacahuètes et de salés en tout genre en guise d’accompagnement. Le jeune homme attendit que sa collègue soit de retour pour lui signaler que tout était prêt.

« Tu peux déjà embarquer ça. »

Le ton qu’il venait d’employer cette fois ici était neutre, sans froideur, mais sans amabilité non plus. Il jeta un œil sur la feuille de commande qu’elle venait de lui transmettre, et se remit au travail, jonglant entre les coktails, les tequilas et les bières pression. Tout se passait pour le mieux jusqu’à présent, sans qu’ils aient particulièrement besoin de s’adresser la parole. Elle lui déposait les commandes des clients, il les préparait, et elle venait les chercher. Rien de plus, rien de moins. Mais un événement allait peut être faire basculer cette indifférence chez l’un et chez l’autre. Et pour cause, un membre des White Wolves vient tout juste de faire son apparition au Blueberry. Ils savent où Nathan travaille, donc ça ne peut être que de la pure et simple provocation. Ordinairement, il en aurait rien eu à faire, mais ce soir Wade n’est pas là, et il va devoir s’assurer tout seul du bien être de tout le monde. Ca passerait très mal si une bagarre venait à exploser en plein milieu du bar. Mais ce qui le dérange le plus, c’est la présence de Stella. Il n’a aucune envie qu’elle se retrouve une nouvelle fois au centre de leur petite gueguerre des gangs.

Nathan observa le White Wolf qui venait de s’installer non loin de la porte d’entrée. Il n’était pas à l’aise de savoir un de ses ennemis dans le coin. Le regard du jeune homme s’attarda immédiatement sur Stella. Il ignore si elle a remarqué la présence de l’intrus, mais il ne va pas attendre de le savoir. Il sortit du bar, et se dirigea vers son ancienne amie qui était en train de prendre la commande de nouveaux clients. Malgré leurs querelles, il ne peut pas s’empêcher de s’inquiéter pour elle. Depuis son agression, il sait que la bande adverse n’aura aucun scrupule à s’en prendre à ses proches amis, y comprit ceux qui n’ont rien à voir avec la guerre. Jamais Nathan n’aurait pensé qu’elle allait se faire attaquer. Elle a jamais rien demandé, provoqué personne, cette offensive n’était pas mérité. Mais ça prouve bien la bassesse dont font preuve les White Wolves. Nathan se passa une main sur la nuque, signe qu’il n’était pas très à l’aise avec ce qu’il est sur le point de faire.

« Stella … »

Il avait prononcé son nom avec une voix très faible, comme si il était gêné de l’avoir appelé. Il attendit que la jeune femme se retourne, puis la regarda dans les yeux. Son comportement est contradictoire, il s’en rend bien compte. Mais il ne va quand même prendre le risque de la voir au milieu d’une bagarre uniquement pour que son plan de l’éloigner de lui fonctionne.

« Ya euh … un sale bourge qui vient de rentrer. Tu veux que j’aille prendre sa commande ? »

Nathan et elle n’ont pas eu l’occasion de parler de ce qui s’est passé. Il ignore donc totalement qui sont les responsables, comment elle a vécu l’événement, et ce qu’elle ressent aujourd’hui. Peut être de la colère, peut être de la peur. C’est pour ça qu’il veut lui éviter de se retrouver confronté à l’un de ces mecs. Il va surement se faire remballer, mais tant pis, au moins il aura essayé. Et puis il gardera un œil sur elle d’où il sera. Le moindre faux pas de la part du White Wolf suffira pour le faire monter en pression.

Si distante et froide, si mystérieuse et même temps si chaleureuse à sa façon ... Stella était plein de choses à la fois, tiraillée entre ses sentiments, ses cicatrices étant encore bel et ben présentes en elle, et chaque jour cela se ressentait dans sa façon de se comporter avec les gens qui l'entouraient. Avec ses amis, elle arrivait à parler et s'ouvrir un minimum, ses rares meilleurs amis la connaissaient suffisamment pour savoir comment elle fonctionnait. Il ne fallait pas attendre trop de paroles de sa part. Sauf lorsqu'elle buvait ses petits verres de martini, le soir, dans un bar de la ville, et parlait avec le premier inconnu capable de l'écouter sur sa vision du monde - aussi sombre puisse-t-elle alors être. Elle s'exprimait différemment. Certains la comprenaient - dont Nathan, lorsqu'ils se parlaient encore -, d'autres affichaient cet air supérieur, comme si elle était un robot incapable de ressentir la moindre émotion. Alors qu'elle en était submergée. Elle avait juste appris, avec le temps et ses erreurs, à ne plus les afficher. Etre statique dans les expressions de son visage. Il fallait gagner sa confiance. Elle avait perdu trop de gens, on lui avait fait trop de mal parce qu'elle avait été naïve.

Et Nathan faisait partie de ceux en qui elle avait confiance. Elle se souvenait encore de leur première rencontre, grâce à Aubrey, surement la meileure amie de Stella, et sa colocataire. Aubrey étant assez proche de Nathan, il était impossible pour la musicienne de ne jamais le voir. Ils avaient sympathisé, étaient devenus collègues. Puis bons amis. Amis assez poches, à vrai dire. Jamais elle ne lui avait parlé de son tumultueux passé, mais elle savait qu'il serait là pour l'écouter si elle en avait besoin. Elle savait qu'il était quelqu'un de bien, qu'il tenait à elle, à sa façon. Tous les deux avaient cette façon de se refermer parfois trop sur eux-mêmes, mais ils se comprenaient. Comme un langage secret. Ils avaient appris à se connaitre, s'apprivoiser. Ils avaient trouvé leur mode de communication, leur façon d'être amis. Leurs regards se croisaient souvent lorsqu'un client leur rendait la tache difficile ; des regards complices et amicaux. Ils se parlaient, ils passaient du temps ensemble. Ils se connaissaient. Stella s'était peu à peu, laissée s'attacher à lui, et il semblait que du côté de Nathan, ce fût le cas également en ce qui concernait Stella.

Si bien que le jour où il débarqua et lui parla sèchement, elle n'en comprit pas la cause. Elle l'avait regardé de ses deux yeux bleus ciel, laissant transparaitre en eux l'incompréhension qui naissait alors en elle. Les questions avaient afflué dans sa tête. Avait-elle fait quelque chse de mal ? Les relations humaines, ça n'était pas son fort. Pendant tout son service, elle s'était demandé ce qu'elle avait pu faire de si mauvais pour qu'il s'adressa à elle de cette façon. Avait-elle mal agi ? Ou s'était-il simplement levé du pied gauche ? Avait-il passé une mauvaise journée ? Puis les jours suivants, les soirées qui succédèrent à celle-là, elle attendit es explications qui ne vinrent jamais. Depuis, leur amitié en avait pris un coup. Mais le pire était sans doute que Stella ignorait la cause de cette remise en question. Avait-on dit des choses sur elle ? Elle en était même venue à se demander si Aubrey ne lui avait pas parlé de se déboirs parisiens, et que Nathan l'aie vue si différemment d'auparavant qu'il ne l'aie pas accepté. Seulement en se retournant cette idée dans son esprit, elle trouvait ça totalement improbable. Elle connaissait Nathan, tout de même, non? Il était tout sauf du genre à la juger sur son passé...

" Tu peux embarquer ça. "

La phrase avait été claire, nette, précise. Sans encombrements. Elle était passée. Pas d'agression dans la voix de son interlocuteur, mais pas d'amitié débordante non plus, cela va de soi. Stella prit le plateau, guettant la réaction de Nathan à ce moment-là. Mais rien ne filtra dans son regard, du moins aucune lueur qui empiétait sur les autres au point que Stella puisse déchiffrer ce qu'il ressentait pu son but. Mais ce qui était certain, c'est qu'elle n'y trouva aucune trace de haine. C'était à n'y rien comprendre. Strictement rien.

Finalement, en ce qui concernait sa réaction, elle ne l'étudia pas comme d'autres auraient pu le faire. Elle reste elle-même. Simplement renfermée sur elle-même. Elle ne lui parlait pas froidement, ni amicalement comme elle en avait autrefois pris peu à peu l'habitude. Elle restait juste aussi distante que lui semblait vouloir le devenir. Elle finit par ne plus se demander la cause de cet éloignement, il était trop tard. Le temps passait et Stella faisait tout pour éviter de devoir parler au jeune homme. Cela pouvait paraitre puérile, mais croiser son regard, se retrouver face à lui lui rappelait à quel point elle était douée pour s'accrocher aux gens qui ne le méritaient pas. Elle donnait cette impression d'indifférence la plus totale, de renfermemnt intérieur immense. Elle ne se foutait évidemment pas de cette querelle, mais avait appris à prendre du recul. Et c'était ce qu'elle essayait tant bien que mal de faire au quotidien. Chose facilitée par le comportement de son ancien ami.

Sauf ce soir-là. C'était à ne plus rie y comprendre. Elle faisait le service, ils avaient trouvé leur rythme, Stella courant dans la salle, plateau à la main, prenant les commandes aussi vite et poliment que possible, rêvant comme souvent ces soirs de grande affluence, d'aller fumer une cigarette devant le bar. Plongée dans ses pensées - mais surtout celles concernant les commandes qui affluaient de toute part - elle entendit à peine la voix incertaine de celui qui fut son ami il y avait encore peu de temps de cela. Elle reconnut son nom, et percuta enfin qu'il s'agissait de Nathan lorsqu'elle se retourna sur lui. La jeune femme évita de faire transparaitre trop d'émotions à travers son regard. De l'incompréhension, de la haine, de la déception, de la fatigue ... tout aurait pu transparaitre dans ses yeux, mais elle refoula tout à l'intérieur de son esprit et de son corps. Ses yeux étaient de réels traitres qu'ils laisseraient surement filtrer certaines bribes d'émotions, mais en tous les cas, elle fit tout pour empêcher ce cas de figure.

" Ya euh … un sale bourge qui vient de rentrer. Tu veux que j’aille prendre sa commande ? "

Elle remarqua sa main posée sur sa nuque. Un geste en disait plus que des mots, et connaissant les réactions de Nathan, elle comprit qu'il était mal à l'aise de s'adresser à elle. Et apparamment, c'était pour la protéger. La protéger de quoi, au juste? Les bras croisés sur sa poitrine, son stylo fermement serré dans sa main, elle se retourna avec un élan de lassitude tout en essayant de rester discrète envers l'interessé. Comme toujours, ce fut son regard auquel elle prête attention en premier. Elle ne reconnut guère son visage. Mais savait qu'elle ne lui avait jamais parlé. Même si il lui semblait qu'elle avait déja vu son visage quelque part. Mais ce pouvait être n'importe où.

Elle se tourna à nouveau vers Nathan, vivement, avec un regard qui se voulait encore le plus neutre possible.

" Ca va jsuis pas une poupée en porcelaine, jpeux me débrouiller pour passer une foutue commande quand-même. "

Mais au fond, elle fut d'un côté rassurée qu'il s'inquiète pour elle. Il avait du apparemment être touché par son agression. Mais jusqu'à quel point ? Elle ne se le demanda pas longtemps. Elle demanda, finalement :

" C'est un White Wolf ce gars, c'est ça ? "

Ca y'est, elle l'avait mis sur le tapis, prête à entamer un d"bat sur la stupidité des clans qui s'étaient formés dans la ville. Surement pas pour bien longtemps car elle se tenait déja prête à aller prendre la commande du nouvel arrivant, terriblement têtue, supposant que même si c'était un White Wolf, et même s'il avait comme projet de remettre ça, il ne le ferait certainement pas en plein milieu du bar. Elle se tenait tout de même la tête légèrement levée, scrutant le regard de Nathan, prête à y déceler la moindre émotion pouvant enfin le trahir. Que voulait-il au juste ?

Cette guerre Nathan ne l’a jamais voulu. Il se rend bien compte qu’à cause d’un vulgaire chagrin d’amour, il a rendu la vie insupportable pour certaines personnes. Les gens ne peuvent plus sortir sans courir le risque de se trouver au milieu d’une scène de bagarre. Il n’a pas toujours su faire les bons choix quand ils se présentaient à lui, mais celui de se venger a sans doute était le pire de tous. Sortir avec Elizabeth Wellinghton a entrainé des conséquences démesurées, dont lui-même a perdu le contrôle. En quelques temps il a réussit à perdre sa meilleure amie et à se retrouver accusé de meurtre. Parfois il se demande si il a fait des choses si horribles que ça pour mériter un tel châtiment. Il n’a pas toujours été tendre, il s’est pas toujours tenu à carreaux quand il le fallait, mais est-ce une raison nécessaire pour que toute cette saloperie lui tombe sur le dos ? Il en est venu à se méfier d’absolument tout le monde. C’est devenu extrêmement difficile pour lui de pouvoir faire confiance en quelqu’un, et il évite de trop parler aux gens qu’il ne connaît pas. Ya des personnes mal intentionnés qui trainent, et qui seraient prêtes à tout pour le voir derrière les barreaux. Avec Stella ils n’en ont jamais vraiment discuté, mais il se demande quand même ce qu’elle pense de cette histoire. Si ya une part d’elle qui doute de son innocence, ou bien si elle lui est entièrement dévouée. Quoi qu’il en soit, son comportement envers lui n’avait nullement changé jusqu’à aujourd’hui. La vie du jeune homme qui n’a pas toujours été belle, même si il s’en ait jamais réellement plaint, est devenue une épreuve de survie, où il doit faire attention à tout, et se méfier de tout le monde.

C’est impossible de décrire ce qu’on ressent quand des regards de peur et de haine se posent sur vous. Des choses banales comme allé faire ses courses ou aller au cinéma s’est transformés en véritable corvée. Nathan n’a jamais porté une grande importance aux regards des gens. Quand il était jeune et que des enfants plus riches que lui le regardaient de travers, il n’y faisait pas attention. Il est toujours partit du principe qu’à partir du moment où on se sent bien dans sa peau, ce que pense les autres sur vous ne compte pas. Mais aujourd’hui les choses ont légèrement changées. On ne le méprise plus pour sa classe sociale inférieur, mais parce qu’on le considère comme un garçon qui a ôté la vie. Comme quelqu’un qui mériterait d’être emprisonné le restant de ses jours. Le plus dur, c’est de voir Kate suivre le même chemin que tous les autres. Eux qui ont été tellement proches dans le passé, voilà que désormais elle se bat corps et âme pour qu’il se retrouve en prison. Nathan n’a jamais su entretenir correctement les relations qui lui étaient chère. La preuve avec Katherine, et maintenant avec Stella.

Nathan est quelqu’un de lunatique, parfois même de contradictoire. C’est inutile de chercher à décrypter ses réactions, puisqu’elles n’ont pas toujours de sens. Il peut se montrer doux comme un agneau, puis la seconde d’après se comporter comme un véritable arrogant. C’est son impulsivité qui le force à avoir ce genre de réactions. Stella ne risque pas de comprendre le pourquoi du comment avec lui, même si elle essaie de toutes ses forces. De toute évidence, il ne fait pas partit de ceux qui se dévoiler au grand jour, sans en mesurer les conséquences. Quand la jeune femme daigna se retourner, Nathan se sentit quelque peu mal à l’aise. Lui-même se rend compte à quel point ses sautes d’humeurs sont flagrantes. L’impassibilité qui se lisait sur le visage de Stella l’aidait cependant à se sentir quelque peu mieux. Comme il s’y attendait, elle se braqua avec des propos qu’il se préparait déjà à entendre. Est-ce que les filles ont toujours cette manie ? Dès qu’on s’inquiète pour elle s’imagine qu’on les considère comme des êtres faibles. Il ne la sous estime aucunement, il essaie juste faire ce qui est le mieux pour elle. Pas de quoi fouetter un chat. Nathan leva instantanément les yeux aux ciels, légèrement blasé par la banalité de ses propos, puis reposa son regard sur son interlocutrice.

« Excuse moi, c’est vrai que vous les femmes vous savez tout faire par vous-même. Vous n’avez pas besoin d’aide. »

Bien sur on pouvait sentir de l’ironie dans sa voix. M’enfin, c’est pas le moment ni le lieu approprié pour partir dans un débat sur le comportement féminin, qui de toute évidence n’a aucun sens pour Nathan. La gente féminine reste un mystère presque entier pour lui. Quand Stella lui posa une question des plus pertinentes, mais aussi des plus évidentes, le jeune homme hocha positivement de la tête. Il les reconnaît à cent kilomètre à la ronde les White Wolf. Toujours bien habillé, ils se tiennent droit, et surtout ils lancent à Nathan des regards dignes d’un révolver. Celui là n’est surement là que par provocation ou vaine tentative d’intimidation. Nathan ne veut pas rentrer dans son jeu, et il va nullement déclencher une bagarre devant les clients. Il va tenter de garder son self contrôle, mais il a plus de chances d’y arriver si Stella reste à l’écart de cette vermine. Apparemment il ne fait pas partit de ses agresseurs, sinon elle aurait réagit autrement et elle ne lui aurait pas demandé si il faisait partit du gang des White Wolves. C’est un bon point pour lui. Sachant pertinemment que Stella ne comptait pas s’écraser face à lui, Nathan lui arracha son calepin et son crayon des mains. Qu’elle le veuille ou non, c’est lui qui va s’occuper de la commande.

D’une démarche assuré, et avec un sourire moqueur sur les lèvres, Nathan se rapprocha de son ennemi. Il voyait déjà Stella venir gros comme une maison, en train de faire une crise de nerfs parce qu’il a osé lui prendre son calepin sans demander la permission. Mais il n’en a strictement rien à faire. Si ça la gène, qu’elle gueule. Il fera la sourde oreille. Son geste envers elle était brute, mais c’est uniquement dans le but de la protéger. C’est si difficile à concevoir pour elle que Nathan ne tienne pas à ce que l’événement de la dernière fois se reproduise ? C’est une fille maline, elle devrait pouvoir comprendre un minimum les choses non ? M’enfin bref. Le jeune homme posa son crayon sur la feuille de papier, prêt à écouter la commande de son client.

« C’est moi qui vais m’occuper de toi ce soir. Ma collègue est partiellement absente. »

Partiellement puisqu’il se doute bien qu’elle est en train de se rapprocher d’eux pour lui faire une scène. Ce qui devait donner un côté comique et ridicule à la situation. Remarquez également que Nathan venait de tutoyer son client. Chose qu’il ne faut jamais faire. Mais avec le cas si présent, il est évident que le respect ne fait pas partit de leur vocabulaire.